SIX PROJETS EN DÉBAT

Chronologiquement, le premier est publié dans le Populaire clandestin (n° 16, 16 janvier/1er février 1943) par le Comité d'Action Socialiste sous le titre "NOTRE PROGRAMME" : il préconise notamment, outre des mesures de rétablissement des libertés démocratique et de châtiment des traitres, la mise en place d'un "Conseil National politique (…) chargé, au nom de la France et des colonies, de suivre les négociations de paix et de préparer l'élection au suffrage universel (celui des femmes compris) de la future Assemblée constituante", l'"élaboration d'un statut colonial tendant à l'émancipation progressive des populations indigènes".
Ainsi que la mise en place d'un "Conseil National économique, chargé de traduire dans les faits le caractère social et non privé de la production des échanges et de la consommation. Le gouvernement devra poursuivre l'élimination des trusts du champ de la vie nationale et coloniale, l'abolition progressive de la concurrence et du profit…" et "la nationalisation du crédit et des banques, des compagnies d'assurances, des industries et du commerce extérieur ".

Sur le plan extérieur, il se prononce pour une "solide organisation internationale…" créant un "super-État auquel les Nations remettront une partie de leur souveraineté".
Ce texte sera suivi en juin 1943 (Le Populaire n°23) - donc après la création du CNR - par la publication par le Parti socialiste reconstitué d'un "PROGRAMME COMMUN A LA RESISTANCE FRANÇAISE", qui reprend pour l'essentiel les dispositions du programme publié en janvier. Toutefois, il évoque la cogestion dans les grandes et moyennes entreprises, le "super-État" y est développé en "Société des États-Unis du monde" ayant le droit de "contrôle sur la constitution politique des États membres". Du Commissariat à l'Intérieur du Comité Français de Libération Nationale arrivera depuis Londres au début de l'été 1943 le "PROJET LAFFON", proche de ceux des socialistes, qui évoque aussi "les abandons nécessaires de souveraineté interviendront volontairement et simultanément au profit d'une Communauté d'États supérieure" appelée "Ligue universelle". Ce projet Laffon suggère le "renforcement de l'exécutif", reprend l'idée de l'élimination préalable des féodalités économiques irresponsables devant le peuple. Seront socialisés les monopoles et les entreprises dont la gestion ne peut être laissée sans danger aux grands intérêts privés : électricité, houillères, assurances (…), grandes banques distributives du Crédit…."
En septembre 1943 est publié le "PROGRAMME D'ACTION D'APRES-GUERRE" de la CGT, qui a la particularité de faire sur plusieurs points des propositions doubles, traduisant la persistance des différences en les courants "ex-confédérés " et "ex-unitaires ". Ainsi les ex-unitaires demandent le contrôle syndical sur l'embauche, les ex-confédérés la création d'"offices de placement" gérés par l'État, les premiers demandent la suppression des Comités d'organisation pétainistes des branches économiques, les seconds leur réorganisation en en chassant les trusts et en faisant nommer par l'État leurs dirigeants choisis parmi les fonctionnaires, etc.
Quant au "RAPPORT SUR LA POLITIQUE ECONOMIQUE D'APRES-GUERRE", appelé aussi "Rapport Courtin", du nom de son principal rédacteur, il est présenté par le "Comité National d'Études", organisme de réflexion créé à Lyon en 1942 et qui s'est transporté à Paris en juillet 1943. Concédant aux aspirations largement répandues parmi les Résistants, le Rapport du CNE évoque la nécessité de nationalisations "pour des raisons économiques, sociales et politiques" mais y voit un "danger de nouvelle oligarchie… plus pesante encore que celle du capitalisme", affirme la volonté de "s'engager hardiment dans la voie de l'économie planifiée" mais aussi… " Qu'il est vain de se livrer à des prévisions et dangereux de fixer par avance la structure de l'économie française ". 
Deux parmi les nombreuses contradictions du rapport Courtin, sévèrement critiqué par le Parti Communiste, qui s'était aussi élevé contre la notion de super-État présente dans les Projets socialistes et le Projet Laffon.
C'est le 26 novembre 1943, lors de la deuxième réunion plénière du C.N.R 86, rue de Gergovie, que Pierre Villon - qui l'a rédigé - dépose au nom du "Front National de lutte…" un "PROJET DE CHARTE DE LA RESISTANCE", qui a pour particularité par rapport aux cinq précédents d'appeler à la lutte immédiate : "Le CNR - peut-on y lire - constate que les Français ne peuvent plus se contenter d'une résistance passive dans l'attente d'une aide extérieure, mais qu'ils doivent faire la guerre à l'occupant, qu'ils doivent par leur action préparer les conditions de l'insurrection nationale (…). Le CNR, pour mobiliser les ressources immenses d'énergie de notre peuple (…) décide d'inviter les militants des organisations de Résistance… à s'unir dans le combat en créant partout… des comités de patriotes (Comités de la Libération, comités de la Résistance, de la France combattante, etc.….), avec notamment pour missions de "développer la lutte contre la déportation…, de saboter et paralyser la production destinée à l'ennemi et ses transports par route, par fer et par eau…, de faciliter aux FFI la constitution de formations armées de patriotes…" Et le "Projet de Charte de la Résistance…"d'énumérer des mesures à mettre en œuvre après la Libération, notamment "le droit au travail et au repos, la subordination de l'économie par rapport à l'intérêt général…, une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours…, le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés".

 
 
 
 

Date de dernière mise à jour : 31/03/2024